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Les MOOCs, double transition pour la formation

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Hier avait lieu la dernière session 2015 du #pouce organisé par l’INRIA de Rennes, une table ronde avec 4 intervenants (dont je faisais partie) et un animateur, pour parler d’un sujet très actuel, les « Massively Online Open Courses ». En français l’acronyme se traduit clairement par « Formation en ligne ouverte à tous« . Cet événement sera prochainement mis en ligne en vidéo, vous pourrez donc revenir sur les échanges très fertiles et complémentaires qui ont permis au public présent à la Cantine numérique de Rennes de découvrir ou approfondir ce sujet.

Pour ma part, j’ai essayé d’apporter une analyse moins centrée sur la technologie et d’avantage sur les transformations sociales produites par ce phénomène. Il y a bien sûr l’effet des mots dont la nouveauté tente parfois de masquer la continuité d’un processus d’évolution. Le MOOC est un nouveau genre d’E-Learning, qui est lui-même la version informatique d’outils que l’on trouve au stade expérimental dès les années 60[1]. Les outils techniques sont de longue date les compagnons des pédagogues (et des élèves) dans la transmission de la connaissance.

L’intitulé du thème « Les MOOCs réinventent-ils la manière d’enseigner ? » invite à dresser le constat d’une double transition dans la formation : le contexte numérique change à la fois les manières d’enseigner et en miroir,  les manières d’apprendre. Le contexte internet change la donne de part et d’autre selon une liste de thèmes que l’on peut dresser :

Thème de rupture Enseignant Elève
Temps : n’est plus synchrone. N’est plus synchrone ni dans les interactions, ni dans le cycle de formation qui peut commencer n’importe quand.

Les fonctions qui permettent la simultanéité sont délicates ou contraignantes en terme pédagogiques (vidéo conférence, chat…).

La formation se gère selon les disponibilités individuelles.
Plus d’unité de lieu, en dehors de l’espace de cours virtuel.  La disparition de l’espace va de pair avec la dématérialisation, qui touche aussi les supports habituels de l’écrit (poly, livres, cartes, affiches, objets…) L’absence de contact social direct, sans médiation technique.

Plus de lien entre lieu et activité : l’activité de formation peu se tenir aussi bien dans l’espace professionnel ou personnel, voire en déplacement.

Auto-inscription des élèves, sans sélection. La question des pré-requis et de la diversité des publics potentiels force à penser la conception du cours en conséquence.  L’opportunité de s’intéresser à n’importe quel sujet… mais aussi d’être frustré de ne pouvoir progresser si le cours est intéressant mais trop éloigné de ses connaissances ou de son niveau.

Correspond au principe de formation tout au long de la vie : la formation continue a désormais un nouveau mode d’acquisition de connaissances et compétences.

Grande abondance des cours disponibles. De nombreux catalogues sources, des milliers de cours déjà existants… Pour quelle visibilité de son propre cours ou de son école ?

L’opportunité d’articuler son cours avec des ressources disponibles.

 

 L’opportunité de suivre des cours d’écoles prestigieuses.

La difficulté de s’y retrouver et de faire un choix pertinent par rapport à ses objectifs.

Un nombre « massif » d’apprenants Une ingénierie pédagogique particulière où l’interaction individuelle est exceptionnelle.  L’appel à de nouvelles modalités, tel l’évaluation par les pairs.

Beaucoup de décrochages d’élèves, dont les « curieux », mais aussi par déficit propre au modèle pédagogique ou au support de formation.

Des interactions rares, plutôt avec d’autres élèves. Peu d’acteurs, beaucoup de spectateurs. La « solitude » devant son écran.
Une médiatisation numérique des contenus et fonctions. Des compétences nécessairement nouvelles en technologies. D’où l’émergence d’un nouveau métier de concepteur, à cheval entre compétences de formation et compétences numériques : l’ingénieur pédagogique.

Un travail important et coûteux en amont dans la préparation des  contenus et la scénarisation.

Un corpus de contenus plutôt conçu pour une « transmission » magistrale, peu d’activités interactives ou sociales.
Un modèle économique non-marchand. La grande majorité des MOOCs sont gratuits, financés sur le principe d’un produit de « communication » de notoriété pour les écoles les plus prestigieuses, dont l’un des objectifs est de recruter des étudiants solvables.

Pour certaines institutions publiques, c’est au contraire l’opportunité de développer une mission primaire : le rayonnement de la connaissance ou de la culture. (En particulier la culture linguistique pour les non-anglophones)

L’opportunité de se former à coût zéro, en dehors de l’équipement numérique et de l’accès internet, qui sont plus que jamais des facteurs d’inclusion.
Le pré-supposé numérique On suppose que les élèves sont équipés et compétents dans l’usage des plateformes de formation, ainsi que dans la gestion de leur formation, la gestion de l’information et la recherche de ressources pour résoudre les problèmes.  Le type « MOOC » ne permet essentiellement que des contenus de formation en dehors des compétences pratiques ou manuelles. Les cours disponibles sont donc plutôt réservés au secteur tertiaire et peu développés en dessous d’un certain niveau d’étude ou niveau professionnel.
La question de la certification Impossible de certifier avec exactitude l’authenticité des individus et les évaluations des élèves prouvant l’assimilation de la connaissance.

Un « certificat » d’accomplissement qui n’est pas un diplôme.

 La recherche de la connaissance ou la satisfaction d’apprendre, avant tout. Ne permettra pas d’obtenir un diplôme, mais peut contribuer à une formation diplômante par ailleurs, ou à une évolution professionnelle.

Les MOOC excluent donc la certification de compétences pour les activités à risques (médecine, aéronautique, industrie…). Toutefois, ils peuvent contribuer à préparer ou compléter un cycle de formation traditionnel faisant l’objet d’une évaluation certifiée.

La tension entre les dimensions individuelles et collectives La formation initiale a une dimension de masse historique depuis Jules Ferry : éduquer, former à l’échelle d’une nation entière. Toutefois, le numérique et les MOOCs changent le processus d’accès à la connaissance en fractionnant le projet collectif de masse et national, en une masse de projets individuels et mondialisés.

Le contexte contemporain voit avec les MOOCs un nouveau symptôme d’un processus d’individualisation de la formation : individualisation des parcours, des opportunités.

La contrepartie de l’autonomie laissée à l’individu ne permet pas de prédire la réussite ou l’efficacité d’un MOOC, qu’il faudra améliorer dans un processus d’essai/erreur…. ce qui est le propre de la pédagogie.

 Les MOOCs fonctionnent sur l’auto-détermination, l’initiative, la liberté individuelle. C’est un projet de formation en autonomie.

Ceci développe et favorise les qualités en connexion avec l’autonomie : « savoir apprendre à apprendre » – l’auto-didaxie, savoir s’organiser, savoir rechercher les ressources pour résoudre ses problèmes, savoir communiquer entre pairs.

Le collectif n’est pas évacué, si on est à l’aise avec l’engagement conversationnel du « 2.0 ».

Pour cet ensemble de facteurs, les MOOCs vont plutôt constituer un accélérateur pour la partie la plus supérieure de la population en terme social. A contrario, probablement continuer à étirer la distance entre ceux qui bénéficient de la valeur des usages numériques… et les autres.

Les MOOCs sont destinés à rester durablement dans le paysage. En effet, leur utilité et légitimité est déjà acquise aussi bien du côté de l’offre que de la demande, et il existe bien un secteur non-marchand puisque nous sommes là dans une « matière première » qui est la connaissance, dans un paradigme de production à coût marginal quasi nul[2]

La redéfinition des enseignants et de leur position de médiation est donc à redéfinir : un glissement dans l’enseignement traditionnel, plus un espace nouveau pour le « télé-enseignant ». La valeur ajoutée pédagogique n’est pas « annulée » par la technologie, au contraire. La recherche en pédagogie a déjà démonté le mythe du « cyber-prof ». Cette perspective cybernétique se retrouve dans les discours des éditeurs de plateforme d’e-learning (les serveurs de contenus), mais aussi chez certains décideurs publics ou privés, qui voient dans la perspective numérique du MOOC les solutions à deux problèmes (l’augmentation des coûts de l’éducation et la baisse des financements publics) et à un besoin : alimenter la thématique du « progrès » dans la sphère de la communication.

  1. [1] On lira avec intérêt cette rétrospective sur l’utilisation de l’audiovisuel dans le secondaire, et les témoignages des acteurs précurseurs de l’époque
  2. [2] Par définition, seule la production du premier cours nécessite un investissement. Par la suite, on peut « rejouer » le cours avec des charges de fonctionnement très réduite, voire nulle si le cours est disponible sans accompagnement.

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